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Séjourner pendant l’hiver

Quand le Gray Rocks décide d’ouvrir les portes de son hôtel l’hiver, le défi ne porte pas tant sur les divertissements à offrir en cette froide saison que sur le type de clientèle susceptible de s’y intéresser.  

Cependant, pour certains visiteurs financièrement à l’aise ou adeptes de sports hivernaux, cette nouvelle offre de séjour se présente comme une aventure… Déjà le trajet comporte son lot de péripéties possibles car la distance à parcourir des « États » ou de Montréal à l’hôtel, est longue. Le seul moyen convenable est le train, moyen relativement sûr mais avec la neige… on ne sait jamais!

Pourtant quelle récompense une fois arrivés! Au cœur de paysages enchanteurs, dans la blancheur radieuse d’une neige abondante, ils peuvent expérimenter de multiples activités. Ils peuvent explorer le lac enneigé, la forêt ou les champs environnants en raquettes, en traîneaux à chiens ou sur cette nouvelle invention appelée « skis ». Ils peuvent parfaire leur glisse en patinant sur la patinoire sur le lac, y jouer au hockey ou au ballon balai. Eh! Que dire de la glissade! Nul talent requis, seulement un plaisir assuré et des rires prometteurs.

Ce noyau de sportifs amène peu à peu le Gray Rocks à développer des infrastructures dignes de leurs attentes, entre autres dans le domaine du ski.

Le ski et l’aménagement du Pain de Sucre*

À la fin du XIX° siècle, l’Amérique ne connaît pour marcher dans la neige que l’invention amérindienne : les raquettes. Quand des natifs des pays scandinaves immigrés au Canada, utilisent de longues planches qu’ils appellent des skis, pour glisser sur la neige, ils font vraiment figure d’excentriques! Pourtant l’Europe, dès les années 1890, a été prise d’un engouement sans précédent pour cette nouveauté.

Chez les Wheeler dont l’hôtel est le premier établissement laurentien à ouvrir toute l’année, le fils aîné Tom reçoit une paire de ski à l’hiver 1908 et prend plaisir à explorer champs et forêts du domaine avec quelques clients avant-gardistes. En mars 1916, lui, son jeune frère Harry et quelques clients téméraires, grimpent la montagne Tremblante sur leurs skis et, qui plus est, la dévalent ensuite. C’est une première!

En 1920, le Gray Rocks innove en aménageant une pente sur la montagne derrière l’hôtel pour la pratique de ce tout nouveau sport. En 1932, un allemand, Bill Pauly, y donne les premiers cours de ski jamais prodigués au Québec. La même année, le Gray Rocks construit un refuge en bois rond au sommet du Mont-Tremblant pour les sportifs les plus hardis! Et la progression continue. En 1934, un remonte-pente est installé sur le Pain de sucre : un câble d’acier actionné par un moteur hisse les skieurs au sommet de la pente. Le plaisir sera maintenant axé sur la descente!

En 1938, une école de ski est fondée et, Herman Gadner, en élabore le premier programme de leçons. C’est encore une fois une première de ce côté-ci de l’Atlantique. Ce professionnel formera plusieurs skieurs de calibre international.

Et le progrès ne s’arrête pas là. Le premier T-Bar fait son apparition sur la montagne en 1944… il est rejoint par un premier télésiège au tout début des années 1950. À peu près au même moment où s’élabore l’idée des « semaines de ski ». Un concept qui devient réalité en 1951.

*Nom de la montagne où s’établit le centre de ski.

L’école de ski « Snow Eagle »

Depuis l’ouverture des pentes de ski sur le Pain de Sucre et l’installation du remonte-pente en 1934, et surtout depuis que Bill Pauly, ce moniteur de ski d’origine allemande, a donné ses premières leçons de ski aux clients de l’hôtel Gray Rocks, Harry Wheeler songe à organiser une vraie école de ski comme dans quelques centres européens. Son idée se concrétise quand deux Autrichiens immigrés au Canada acceptent de relever ce défi en 1938. Herman Gadner et Hans Falkner, son cousin, travaillaient déjà comme moniteurs de ski dans les Alpes. Ils transposèrent leur expertise et le nom de leur ancienne école à la nouvelle du Gray Rocks : Snow Eagle Ski School.

Gadner est très prussien, il dirige l’école avec autorité. C’est un athlète discipliné, il ne boit pas et ne fume pas et aimerait que tous ceux qui s’adonnent à un sport soient ainsi.

Avec son cousin, il bâtit une technique personnelle basée sur des mouvements exagérés et de gros transferts de poids. Sa méthode insiste sur le fait de maîtriser une étape avant de travailler l’étape suivante. Le processus d’apprentissage s’avère long mais les gens veulent revenir pour continuer à s’améliorer.

Malheureusement, en 1945, lors d’un voyage de ski à Banff à la fin de la saison, Gadner est enseveli mortellement par une avalanche. Son décès est une grande perte pour l’hôtel et l’école de ski. L’année suivante, on en confie les rênes à Hannes Schneider, puis l’année subséquente à Luggi Foeger, un adepte de la technique Arlberg, fondamentalement différente de celle préconisée par Gadner. Réal Charrette qui est revenu travailler à Gray Rocks après la guerre est son assistant.

Finalement, en 1948, Réal Charrette accède au poste de directeur de la Snow Eagle ski School, rompant avec la tradition des instructeurs européens. C’est le premier Canadien à accéder à un tel poste. Il est à l’origine des « ski weeks » qui fera la renommée du Gray Rocks dans la deuxième moitié du vingtième siècle.