Les métiers d’antan
Les métiers d’antan
À cette époque, le rôle principal dévolu aux hommes est de faire vivre la famille. Dans la région, la majorité de ceux-ci sont cultivateurs et sur la ferme, en général, on arrive à manger à sa faim. Du printemps à l’automne, la préparation de la terre, les semences, le sarclage, la récolte et le labourage sont ses occupations principales incluant le soin des bêtes. Mais l’argent est rare et pour beaucoup d’entre eux, l’hiver ramène la montée aux chantiers et l’occasion d’une paye grandement bienvenue.
Le métier de bûcheron d’alors demande de la force physique, de l’endurance et du courage car ces hommes sont éloignés de leur famille pendant plusieurs mois. Certains plus chanceux peuvent bûcher dans les environs pour les compagnies forestières du coin. D’autres complètent leurs revenus en faisant la drave mais ne devient pas draveur qui veut… ce métier demande de l’agilité, de la souplesse, de l’équilibre et un brin de témérité! La saison de travail est intense et combien dangereuse.
Quelques hommes choisissent de passer l’hiver sur leur ferme. Ils profitent de cette période pour mettre à profit leur talent pour le travail du bois, offrent leur service pour différentes réparations, font du bois de chauffage ou coupent de la glace sur les cours d’eau afin de former des réserves pour les besoins de l’été à venir. Ces divers métiers réussissent à compléter le cycle saisonnier jusqu’aux prochaines semailles!
L’hiver est quasi synonyme de bûchage pour les hommes de ces générations. Certains à la solde de grandes compagnies forestières, d’autres à leur propre compte ou pour leurs besoins personnels. S’ils ne sont pas engagés, ils forment de petits groupes de deux ou trois pour s’entraider et surtout pour assurer leur sécurité en forêt. S’ils montent aux chantiers, ils logent à plusieurs dans des camps en bois rond et les repas sont cuisinés par le « cook » de service.
Dans les deux cas, il fait encore nuit quand les hommes se lèvent et commencent leur journée par un copieux déjeuner de fèves au lard, d’œufs et de pain de ménage avec de la mélasse. À la pointe du jour, hache sur l’épaule, ils atteignent la lisière du bois et pourront ainsi bénéficier de la clarté le plus longtemps possible.
Aussitôt, la forêt résonne sous les coups cadencés des haches qui s’enfoncent dans le tronc des arbres choisis… De temps à autre, un cri puissant, dominateur de tout bruit, avertit du danger, suivent un formidable craquement et un choc épouvantable : un géant vient d’être abattu. Avec dextérité et de chaque côté de l’arbre, les bûcherons s’empressent d’ébrancher et de couper le tronc en billot de 12 pieds ou en pitoune de 4 pieds. Ils empilent les troncs et les attachent pour former des ballots afin de faciliter le transport avec les chevaux. Dans les chantiers, le bois est acheminé aux chemins de neige de La Diable en préparation pour la drave printanière.
À la mi-journée, les hommes s’allument un bon feu, s’étirent un peu, se font un thé fort et mangent leurs provisions souvent composées d’un morceau de pain et de fromage. Mais l’arrêt est de courte durée, les coups de hache reprennent avec acharnement, sans relâche jusqu’à la nuit tombante, au moment où on ne distingue plus l’endroit où frapper!
Le retour au camp ou à la maison est bienvenu, le bûcheron fourbu se hâte vers la chaleur du lieu et la promesse d’un repas mais avant de s’accorder une pause bien méritée, il a encore sa hache à affiler… pour reprendre demain, là où il s’est arrêté aujourd’hui.
Quand les hommes descendent des chantiers, c’est la grande virée et la fête s’étire parfois plusieurs jours, au grand déplaisir de certaines épouses dont la crainte est que la paye du mari soit « flambée » avant d’en voir la couleur!
La température s’adoucit, le soleil prend de la force, la neige commence à fondre… C’est le signal, le draveur prépare son attirail, il vérifie que ses bottes fraîchement imperméabilisées n’ont pas de trous et que les crampons métalliques des semelles sont bien ancrés. Puis, c’est le tour de sa gaffe, il s’assure de la solidité du manche et du bout crocheté ainsi que de leur arrimage. Il complète son barda avec des vêtements chauds et est fin prêt à entrer en action! Il a hâte d’être à nouveau confronté aux éléments de son métier et de tester son habileté.
Son travail commence là où celui des bûcherons s’est arrêté, sur les chemins de neige construits sur La Diable ou un de ces tributaires. Des montagnes de billots ou de « pitounes » s’y entassent et le défi est de les acheminer aux différents moulins à scies de la région en utilisant la force de l’eau vive.
Dès cinq heures du matin, les équipes sont en place, les éclaireurs brisent la glace à l’avant de ces monticules de bois pour former un long et étroit chenal d’eau qui canalisera la circulation. Billots et pitounes sont graduellement entraînés par le courant. En se tenant en équilibre et en souplesse sur les troncs d’arbres flottants, le draveur demeure vigilant, il oriente le bois, l’empêche de s’amonceler. Il reste conscient du danger car il sait que tomber dans cette eau glacée parmi ces énormes rondins, peut lui être fatal.
Vers dix-huit heures, une journée longue et harassante mais sans embûches majeures se termine. Le repos est bienvenu car qui sait ce que demain lui réserve… peut-être des embâcles où ils devront utiliser de la dynamite afin de débloquer le passage… peut-être une eau trop tumultueuse où les risques de chute seront multipliés… Pour l’instant, l’important est de tenir le rythme pendant quinze à vingt jours et sans accident!
Depuis 1995, ce dangereux métier est définitivement interdit.
Le coupeur de glace
ou l’histoire de la réfrigération
Tous les étés, le problème de la conservation de certains aliments se pose. Selon les disponibilités, les cultivateurs utilisent le fond de leur puits, des caveaux ou encore des bidons en métal plongés dans l’eau froide d’un ruisseau. L’avènement des glacières règlent en partie la situation à condition d’avoir accès à la glace…
La réserve de glace se bâtit donc pendant la saison froide sur la rivière ou le ruisseau le plus proche et est emmagasinée recouverte de bran de scie. La plupart des cultivateurs le font pour leur usage domestique personnel mais à partir des années 1930, certains commencent à en vendre à d’autres habitants. À Saint-Jovite, Édouard Brisebois crée une entreprise pour vendre des blocs de glace qu’il opère de 1946 à 1950.
Le travail débute en janvier par la récolte de la glace qui dure de sept à huit semaines. Les hommes se rendent à la « dam » à VanChesteing avec un vilebrequin ou une tarière, une énorme vis surmontée d’une tige transversale. Ils commencent par transpercer la glace pour en mesurer l’épaisseur, à vingt pouces (50 cm), elle est à son meilleur. Puis, armés d’une scie de long, ils coupent des gros blocs qu’ils sortent ensuite au moyen de gaffes ou de grosses pinces. Durant cette période, 4000 gros blocs environ seront produits et transportés sur des traîneaux tirés par des chevaux jusqu’à sa grande glacière à ciel ouvert au coin des rues St-Roch et Labelle. Ils seront recouverts de bran de scie pour éviter une fonte rapide.
Au retour de la chaleur, l’étape de livraison reprend dans les maisons des particuliers et dans certains hôtels. Pour chacune d’elles, des blocs sont retirés du bran de scie et coupés, au godendart, en six ou huit morceaux suffisamment petits pour les glacières familiales. Pour 25 cents le morceau, il est livré à la porte du client et même déposé dans sa glacière. La tournée couvre Saint-Jovite et les lacs Maskinongé, Duhamel et Mercier. Par temps vraiment chaud, une famille peut acheter jusqu’à cinq morceaux de glace par semaine!
L’arrivée du « frigidaire » marque la disparition de ce métier.