Industrie et commerce

Industrie et commerce

Industrie et commerce

Si la majorité des hommes de l’époque sont affairés aux travaux de la ferme, quelques-uns, plus entrepreneurs, orientent différemment leur occupation.  Ils rythment tout autant le quotidien et les saisons en offrant leurs services grâce à leur moulin ou leur magasin.
Les moulins à scie

Dès 1876, des moulins à scie voient le jour pour répondre au besoin des colons qui commencent à s’établir. Si pour la charpente et les murs de la maison, les billes de bois sont souvent équarries à la hache, le moulin devient essentiel pour obtenir les bardeaux utilisés pour le toit et les planches droites, sans nœud et bien planées, pour la finition et la fabrication des meubles.

Ces premiers moulins utilisent le pouvoir d’eau généré par les ruisseaux Clair ou Noir et des chutes qui les parsèment. Du haut de ces chutes, l’eau déviée par le canal d’amené actionne la roue à aubes qui permet d’enclencher le fonctionnement « mécanisé » des scies. Si les débuts sont modestes, avec une seule scie « de long » (scie verticale et en longueur) installée et ne fournissant que quelques planches par jour, l’apparition de la scie ronde en améliore grandement la rapidité et le rendement. L’installation peut alors être qualifiée de scierie et perdure jusqu’à la fin du siècle.

Ces moulins à scie mieux équipés peuvent aussi fournir des lattes et des planches pour fabriquer des objets courants comme la baratte à beurre, la huche à pain, les barils de différents formats, la cuve à laver jusqu’aux charrettes et aux sleigh.

Et ces besoins se multiplient à mesure que la population augmente. Les propriétaires de moulin sont donc à la recherche d’encore plus d’efficacité. Ils décident de créer des réserves d’eau plus puissantes en bâtissant des barrages au haut des chutes et en augmentant le nombre et la grandeur des scies employées. Vers 1905, certains innovent et convertissent une partie de leur scierie en génératrice. Ils deviennent ainsi les premiers à fabriquer et à utiliser de l’électricité au village. Mais ces deux fonctions combinées menacent la régulation de la réserve d’eau et après plusieurs années d’efforts infructueux pour régler le problème, ils doivent abandonner cette pratique.

Dans les années suivantes, les propriétaires se concentrent à améliorer leurs installations et le rendement car, en plus des cultivateurs, les compagnies forestières alimentent maintenant leur moulin et ils veulent répondre à la demande. Le moulin est passé de service uniquement communautaire à une vocation de petite industrie.

Les moulins à farine et le moulin à carder
Les moulins à scie ne sont pas les seuls moulins en fonction dans les environs, le moulin à farine est aussi primordial pour les familles établies dans la région. Si leur fonctionnement est similaire, leurs mécanismes activent plutôt des meules qui, par frottement, écrasent les grains de blé ou de sarrasin. Les cultivateurs sont heureux d’avoir à leur disposition le meunier et son moulin pour leur fournir, à partir de leur propre récolte, la précieuse farine nécessaire à la fabrication du pain, aliment de base en ces temps difficiles.

Dans un autre domaine, vers 1920, un des propriétaires de moulin à scie, Antonio Forget, ajoute un bâtiment pour en faire un moulin à carder la laine. Enfin une installation qui soulage la lourde charge des ménagères! En effet, ce moulin à carder peut produire en une heure ce qu’une femme peut faire en une journée avec ses propres peignes à carder sans parler de l’opération lavage qui doit la précéder.

Au moulin, le maître-scieur, Antonio Légaré, est aussi responsable du moulin à carder, il supervise et participe lui-même à certaines étapes du procédé. La tonsure que chaque éleveur de moutons apporte est placée dans de petits sacs en jute, identifiés à son nom. Sac par sac, pour ne pas mélanger les tonsures, la laine est vidée dans un bassin d’eau et lavée avec un savon spécial qui enlève impuretés et huile animale. Cette opération terminée, la laine est mise à sécher avant d’être passée au cardeur. Dans celui-ci, par mouvements répétés, les peignes brossent et alignent les fibres soigneusement jusqu’à ce que la laine présente une texture prête à être filée. Dans cet état, elle sera livrée aux doigts habiles de la ménagère pour le filage puis pour le tricot ou le tissage.

Le magasin général

Dans un village, le magasin général est un incontournable! Les gens s’y procurent des marchandises, côtoient leurs concitoyens et échangent des nouvelles. Au fil du temps, les noms de Charbonneau, Gauthier, Paquin, Loiselle y sont associés pour la région. Leurs magasins présentent des traits semblables et typiques…

D’abord à l’extérieur, des poteaux pour attacher les chevaux, puis la porte à clochette annonçant l’arrivée du client et le grand comptoir, derrière lequel règne le maître des lieux. Dans son dos, intégrés au mur, plusieurs caissons de bois qui contiennent du sucre, de la cassonade, des pois, des dattes, des raisins de Corinthe, des fèves, du riz, de la farine, différentes épices (gingembre, cannelle…), du souffre, du salpêtre, etc. Sur le comptoir, une caisse enregistreuse, une balance pour peser les produits, un gros rouleau de papier brun et une bobine de ficelle utilisés pour l’emballage des marchandises. Car la coutume veut que le propriétaire serve la clientèle. Il n’est pas question de libre-service.

Le villageois, l’habitant ou la ménagère peut s’y présenter pour différents produits. Des vêtements masculins ou féminins, des articles pour la chasse ou la pêche, du tabac, des chaudrons, des ustensiles, de la vaisselle en grès en plus de toutes les victuailles en vrac. Mais le magasin général fait aussi office de lieu de rencontre. Si le jour est consacré aux achats, le soir, les anciens s’y rassemblent pour fumer la pipe, jouer aux cartes ou aux dames, se raconter les derniers potins et discuter d’actualité et de politique tout en ne refusant jamais un verre de p’tit caribou!

Le magasin général est le cœur du village et rythme la vie de la communauté.

Les moyens de transport

Les moyens de transport

Les moyens de transport

Naturellement, à cette époque, il est de l’apanage des hommes de s’occuper et de conduire tout véhicule mis à leur disposition. Jusque vers 1920, les voitures tirées par les chevaux dominent tous les déplacements. Peu à peu cependant les automobiles font leur apparition et les plus avant-gardistes ou les plus téméraires ou les plus riches sont fiers d’exhiber la leur!
Les véhicules hippomobiles

« Messieurs, dames, un beau tour de calèche… ?»

Si la calèche est aujourd’hui un atout touristique de plusieurs villes, il en est tout autrement dans les villages et campagnes au tournant du vingtième siècle. Les voitures tirées par les chevaux sont la norme. Tout habitant et villageois possèdent un ou des chevaux, bien nourris et soignés car ils sont à la fois instruments de travail, labour, foin, bois, et instruments de locomotion. La plupart du temps, ils sont attelés par paire au tombereau, charrette, boghei, traîneau, carriole ou sleigh, selon l’utilisation, le déplacement ou la saison.

Le tombereau, la charrette ou le traîneau servent surtout aux travaux de la ferme ou du chantier, le boghei, la carriole et la sleigh s’utilisent pour les sorties, aller à la messe, visiter la parenté ou le voisinage ou s’approvisionner au village.

Le dimanche, toute la famille se fait belle, le père a « astiqué » ses chevaux et son boghei ou sa carriole sont fin prêts pour transporter tout ce beau monde à l’église d’abord, dévotions obligent, puis, chez les grands-parents pour le dîner dominical traditionnel. Après, les discussions, les tablées de cartes et le p’tit caribou ont raison de l’après-midi. Puis, la marmaille qui s’en donne à cœur-joie dehors est rassemblée et les fidèles chevaux ramènent toute l’équipée à la maison. Lors de soirées plus « arrosées », pas besoin de chauffeur désigné, les bêtes connaissent le chemin du retour et leur protégé, endormi ou hilare, se retrouve malgré lui à bon port!

Les véhicules automobiles

Quelle est cette « bibitte » bruyante, à odeurs étranges qui avance toute seule?   Monsieur le notaire est tellement fier de sa nouvelle « monture »! Sceptiques, apeurés mais fascinés, ses concitoyens en restent pantois… Va-t-il vraiment pouvoir se déplacer avec cet engin?

Comme à chaque époque, la représentation du changement fait peur. Les chevaux sont tellement pratiques et versatiles! Dans les champs comme sur les chemins, ils participent aux labours, au transport du foin, du bois, de l’eau d’érable… conduisent les familles à l’église, chez la parenté, en pique-nique. Et quelle sécurité à la fin d’une soirée de savoir que vos fidèles chevaux vous ramèneront au bercail quel que soit votre état!

Mais cette nouvelle machine va quand même plus vite et elle ne demande pas d’être nourrie deux fois par jour! Alors l’engouement citadin s’étend peu à peu aux villages et aux campagnes. Car l’automobile promet l’aventure! Aller plus loin, plus vite!

Pourtant avoir sa propre automobile signifie être assez fort pour tourner la manivelle pour la faire démarrer, être assez habile pour remplacer et même réparer les pneus lors des nombreuses crevaisons occasionnées par les clous perdus des fers des chevaux, être assez patient pour respecter les arrêts répétés obligés par la loi à chaque fois que vous croisez une voiture à cheval et être assez musclé pour désembourber votre véhicule sur les routes souvent détrempées pour ne dire impraticables!

Le chauffeur privé est le nouveau métier au goût du jour et il relègue au second plan tous les inconvénients cités… dans les cités justement! Dans la région, la plupart des hommes ont attendu que, finalement, le produit et l’infrastructure s’améliorent!

La chasse et la pêche

La chasse et la pêche

La chasse et la pêche

Aujourd’hui, la chasse et la pêche sont des sports pratiqués dans des zones et des temps délimités selon le gibier ou le poisson visés. Les adeptes doivent détenir des permis spécifiques et ils disposent souvent d’équipement sophistiqué.

Au temps de la colonisation, pour les habitants du coin, la chasse et la pêche sont des moyens complémentaires à la ferme pour réussir à nourrir leur famille. Les cultivateurs préfèrent chasser et pêcher pour mettre de la viande sur la table que de tuer les animaux qu’ils élèvent. La faune abondante contribue à entretenir cet usage très répandu.

La chasse

De tout temps, la chasse s’est surtout pratiquée à l’automne. Alors, dès que les récoltes sont rentrées, les hommes armés de fusils ou d’arcs, partent vers les territoires réputés riches en gibiers. Ce n’est souvent pas loin de la maison, parfois sur sa propre terre ou dans les environs puisque la région de Saint-Jovite regorge de forêts à proximité. Par groupe de cinq ou six, les chasseurs traquent orignaux et chevreuils. Comme les quotas n’existent pas et que le but est de nourrir les familles, chaque personne a droit à un animal tué ou deux, si la famille est très nombreuse. Un animal supplémentaire est toujours prévu pour le curé qui distribue la viande aux familles pauvres.

En plus de cet apport de viande bienvenu, les peaux des orignaux et des chevreuils sont idéales pour la confection des chaussures et des bottes ou encore pour certains vêtements, vestes, manteaux, gants, ceintures et autres accessoires. Le cuir obtenu de la peau d’orignal étant plus épais et résistant, il sert à la fabrication d’attelage pour les chevaux. Même la moelle des os a son utilité : un médicament en est tiré pour contrer la chute des cheveux! Dans ces temps de survivance, rien ne se perd!

Mais les hommes aiment bien s’asticoter, se comparer et se défier! Et la chasse est une occasion en or de se mesurer… et de mesurer leurs trophées : les « panaches » des bêtes tuées! Selon le nombre de pointes, les concours de « panaches » moussent déception ou fierté mais surtout ils permettent de raconter les exploits et les anecdotes, de rire, de célébrer et de fêter l’événement!

La pêche

Alose, truite, maskinongé, esturgeon, carpe, barbotte, tous ces poissons foisonnent dans les cours d’eau de Saint-Jovite et des environs et tout comme la chasse, nul besoin de permis

Peu importe la saison, hommes et jeunes garçons lancent leur ligne. La canne à pêche conventionnelle est en bambou, garni d’un fil de nylon et d’un hameçon (souvent un fil de fer recourbé). Le fil à pêche des jeunes s’attache à un simple bout de branche. Mais quel que soit l’équipement, les beaux gros vers du tas de fumier servent pour appâter!

Pour les vendredis maigres (pas de viande), le poisson sert régulièrement de mets principal. La tâche d’aller le pêcher revient régulièrement aux jeunes fils dont certains y prennent un réel plaisir et sont fiers d’exhiber leurs belles truites, alors que d’autres perçoivent cette obligation comme une corvée.

Au printemps, la montée de la carpe à la décharge du lac Maskinongé monopolise quelques hommes qui en capturent un grand nombre avec des poches de jute comme filet. De retour à la maison, la femme les apprête en filet et les met en conserve. En période hivernale où la pêche n’est pas toujours possible, à cause de l’épaisseur de la glace ou du manque d’outil adéquat, ces carpes s’avèrent d’un grand secours. La mère de famille les cuisine poêlées, en pâté ou en croûte pour nourrir sa tablée.

Vêtir la famille

Vêtir la famille

Vêtir la famille

Éloignées des magasins et ne disposant que de peu d’argent, les femmes misent sur leur créativité et leur habileté afin de vêtir leur famille.

Une chose est essentielle : réussir avec peu de moyens!

Pour les vêtements de tous les jours et même pour ceux d’événements spéciaux, la mère de famille se transforme en habile couturière. Elle coud ainsi des chemises, des blouses, des pantalons, des robes et des jupes. Le  « matériel » utilisé est acheté au magasin général ou au « peddler » (marchand ambulant) ou tissé à la maison mais souvent les femmes défont des vêtements existants et retaillent les morceaux pour fabriquer un nouveau vêtement.  Le  paletot revit en joli manteau féminin, le veston de complet remodelé et cintré devient une veste de costume pour dame, une large jupe donne naissance à une blouse soyeuse… Les articles tricotés ou crochetés par ses soins complètent les tenues vestimentaires, les garnissent ou leur donnent un second souffle.

Dans le même esprit d’économie, la maîtresse de maison a aussi appris à blanchir les poches de fleur (farine) en coton et à les réutiliser.  Entre ses mains, elles se changent en tabliers, en robes de nuit, en taies d’oreillers, en linges à vaisselle ou en essuie-mains… auxquels elle brode quelquefois de gracieux motifs.

La couturière d’antan est remarquablement inventive!

S’inspirer pour coudre

Les femmes fières restent fières même en situation de pauvreté. Elles s’ingénient donc à remanier les modèles des vêtements et de les mettre au goût du jour lorsqu’elles confectionnent du « linge » pour elle-même et leur progéniture.

Elles puisent leur inspiration des rares vêtements en magasin ou de ceux portés par les personnes les plus aisées du village. Elles observent attentivement les représentations vestimentaires sur les affiches, dans les catalogues ou les journaux et échangent des idées avec leurs voisines. À partir de là et de quelques patrons de base, elles élaborent dessins et gabarits, puis inventent de multiples variantes qu’elles cousent dans « du vieux » ou dans du neuf. Elles mixent les couleurs, les tissus ou les textures, varient les formes de collets, rallongent ou raccourcissent les manches, ajoutent des poches, des frisons, des boutons ou une petite dentelle afin de personnaliser le vêtement à réaliser.

Leur créativité se renouvelle à l’infini!

L’étape de la confection

Une fois choisi le vêtement à réaliser, la couturière se met en action. La première étape consiste à effectuer la coupe s’il s’agit de « matériel » neuf mais souvent, il faut plutôt défaire un ou des vêtements qui ont été donnés ou qui ne sont plus utilisés. Les morceaux décousus, bien repassés sont retaillés pour le nouveau modèle ou la nouvelle grandeur. Ensuite, les plus habiles passent directement à l’assemblage au « moulin à coudre à pédale » que possèdent plusieurs foyers. D’autres préfèrent faufiler avant d’assembler ou le font pour certains patrons plus complexes ou délicats. Le mannequin ajustable leur faciliterait bien sûr la tâche mais il est rare que les épouses jouissent d’une telle aide.

La finition du vêtement se fait à la main. Placée près de la lampe à l’huile au début du siècle, sous l’unique ampoule électrique par la suite ou assise au bord d’une fenêtre, la couturière s’exécute. Dé au doigt, elle pique mille fois son aiguille pour fermer les collets ou les poignets, finir les bords de manches, de pantalons ou de jupes, faire les boutonnières et poser les boutons. Si elle dispose de temps et que le cœur lui en dit, quelques fantaisies peuvent s’ajouter, une applique, une broderie, un petit ruban…

Qui n’a pas entendu parler de ces doigts de fée!

Recycler les poches de fleur (farine)

À cette époque de familles nombreuses où le pain est l’aliment de base préparé et cuit à la maison, la ménagère utilise plusieurs poches de farine par année. En générale, la farine est contenue dans une poche de coton où le nom de la compagnie et son sigle sont étampés. La qualité du coton varie mais il est courant de lui trouver un usage selon sa texture. La toile plus grossière se transforme en linge à vaisselle, essuie-mains ou tablier, la plus fine peut devenir taie d’oreiller, robe de nuit ou jupon.

Savoir ce qu’on veut en faire est une chose mais rendre le coton utilisable en est une autre! Pour le débarrasser de la fine poussière de farine infiltrée, on secoue d’abord énergiquement les poches dehors, puis on les confie au vent sur la corde à linge… Ensuite reste à « effacer » les fameuses écritures surtout si on destine le coton aux vêtements ou aux taies d’oreiller! Un long trempage dans une solution d’eau et de « lessi »1 est une première étape… Comme ça peut pratiquement vous brulez les doigts, on y ajoute beaucoup d’eau au moment de les frotter sur la planche à laver avec le savon du pays. Plusieurs autres lavages et rinçages sont requis pour enlever les derniers résidus de farine et de « lettres »! Quand l’opération répond enfin à la satisfaction de la couturière, ses mains habiles s’activent à la confection.

Le leitmotiv de ses femmes courageuses devaient s’apparenter à « rien ne se perd » pour donner une importante deuxième vie à un emballage alimentaire!

1 Le lessi était un produit utilisé dans la fabrication du savon.

Chausser la famille

Chausser la famille

Chausser la famille

Si vêtir la famille est l’apanage exclusif des femmes à cette époque, la chausser demande un travail de collaboration entre mari et épouse.

Le cuir, élément essentiel à la fabrication de toute chaussure, nécessite une préparation longue et ardue. Le père s’occupe de récupérer les peaux lors de la boucherie, de les nettoyer et d’effectuer les premières étapes qui empêchent celles-ci de pourrir. La mère s’applique ensuite à tanner les peaux selon une technique traditionnelle amérindienne comprenant des temps de séchage et d’assouplissage.

Les peaux de bœuf plus épaisses et robustes servent pour confectionner les selles et les attelages de chevaux et aussi pour les semelles des chaussures, c’est l’homme de la maison qui est en charge de les couper. La ménagère, elle, travaille avec les peaux de veau pour la confection des souliers de la famille. Elles doivent être souples et obéir à la pression de la main.

Quand tout le monde dispose de sa paire de chaussures, chacun voit à son entretien. La graisse d’ours est la plus souvent utilisée, elle aide à conserver la couleur et la souplesse du cuir, dans certains cas, elle est remplacée par l’huile de lin.

La confection des chaussures

Pour fabriquer des chaussures, le processus est similaire à celui de la couture, connaître la grandeur, tailler les morceaux selon un patron et les assembler.

Le gabarit de la semelle s’obtient en traçant sur du papier d’emballage brun le contour des deux pieds de la personne à chausser puis en l’élargissant d’un pouce (2,5 cm) tout autour pour la valeur de la couture. Le même procédé est utilisé pour les habituels trois morceaux qui forment le corps de la chaussure, un « dessus » incluant la « langue » et deux pièces pour les côtés.

Cette étape terminée, la mère taille les pièces de cuir de veau pour le corps du soulier alors que le père s’occupe de tailler les semelles dans le cuir de bœuf plus rigide et difficile à couper. Avant l’assemblage, le cuir qui doit épouser le dessus du pied, est placé sur un moule de fer. Avec ses mains, la mère travaille le cuir jusqu’à ce qu’il prenne la forme désirée. Elle coud ensuite à la main les pièces latérales au « dessus » et « ferme » de la même manière la chaussure à l’arrière.

Après avoir percé à la fois le cuir du haut de la chaussure et celui de la semelle, une couture avec un fil robuste enduit d’arcanson les réunit et l’assemblage est solidifié par l’addition d’une série de braquettes (petits clous à large tête) sur tout le pourtour de la semelle. Puis vient l’installation du talon, lui-même formé de trois à quatre épaisseurs de peau de bœuf et collé à l’aide d’un mélange de cartilage de veau et de résine de sapin ou d’épinette. Pour les chaussures destinées aux hommes, un petit morceau de fer est ajouté à ce talon.

Deux bandes de cuir sont taillées et cousues pour renforcer la partie qui doit recevoir les œillets. Les trous pour passer les cordons sont percés à l’aide d’une alène, les œillets y sont insérés et « écrasés » avec une grosse pince et tout est fin prêt pour hériter des lacets crochetés par la mère avec de la laine ou de la fibre de chanvre.

Si ces souliers ne font pas toujours un pied élancé, ils font le bonheur de chacun pour marcher, pour travailleur et même pour danser!