Suite à une expédition en 1870, le curé Labelle écrit: « Sur le sommet de la plus haute montagne de Wolfe, j’ai aperçu le canton de Salaberry qui forme une belle plaine. On se croirait dans une de nos belles seigneuries.»
En effet, début des années 1860, au centre du canton, un récent feu de forêt a dénudé une grande partie d’un terrain légèrement vallonné, bordé d’une paisible rivière et de deux ruisseaux ponctués de chutes. C’est un emplacement de choix pour devenir le centre de la mission du Grand-Brûlé et pour lequel, le curé Samuel Ouimet choisit le nom de Saint-Jovite en 1879.
Pourtant, dès 1864, le chantier des frères Hamilton établi au confluent de la rivière La Diable et de la rivière Rouge attire chaque année son quota de bûcherons. Une fois le bois coupé et ramassé, la compagnie cède aux colons les terres à défricher. Ceux-ci viennent donc peu à peu s’établir dans la plaine sur leur lot respectif. Une fois la terre essouchée et la maison bâtie, la famille emménage avec l’espérance d’une terre généreuse.
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Village de Saint-Jovite en 1889
Cette large vallée commence donc à être occupée. Mais le curé Antoine Labelle rêve d’un village sur les belles terres du Grand-Brûlé et part en campagne afin de vanter les atouts du lieu. Petit à petit, deux alignements d’habitations se profilent avec dépendances et potager à l’arrière. Sur les cours d’eau surgissent des moulins à scie et à farine. Le jeune hameau bénéficie donc des matériaux nécessaires à l’édification de ses bâtiments et de facilité pour moudre son grain. Toujours grâce à ces ruisseaux, l’ajout très tôt d’un pouvoir électrique deviendra un autre élément favorable à son expansion.
Tout village créé nécessite un cimetière pour le repos des personnes décédées. Les villageois réservent donc pour cette fonction l’emplacement en face de celui prévu pour l’église. Cependant, cet endroit s’avère rapidement trop étroit. Le curé, en accord avec ses paroissiens, décide en 1893 de déménager le cimetière dans un lieu plus vaste, choisi avec perspicacité puisqu’encore utilisé aujourd’hui. La relocalisation est délicate : chaque fosse est creusée à la petite pelle et les ossements placés dans un sac libellé au nom du défunt. Puis, les sacs sont disposés dans un tombereau en guise de corbillard. Les chevaux transportent ainsi les corps qui sont ensuite déposés dans leur nouvelle tombe bien identifiée par une croix de bois ou de fer fabriquée par leur famille.
Sur le terrain laissé vacant par le déménagement du cimetière, on prévoit ériger un collège pour les garçons et on creuse donc pour l’installation des fondations. Au grand désarroi du curé, au cours des manœuvres, les ouvriers déterrent quelques os. Incrédulité, indignation, colère, certains paroissiens s’échauffent et menacent… Le curé Samuel Ouimet se dépêche d’écrire à son évêque. « Un mauvais citoyen poussé par un autre, plus instruit et plus méchant, me menace de me faire rendre compte de ma conduite devant la cour civile » Craignant d’éventuelles poursuites, il demande expressément à son évêque une permission écrite d’exhumer ces os, ainsi que l’obtention d’un Ordre de la Cour. ( Extrait d’une lettre datée du 14 novembre 1893).
L’incident fait suffisamment de vagues pour qu’on modifie le choix du site du futur collège. La fabrique de Saint-Jovite donne alors un terrain au fond de son jardin, près de la rue actuelle de l’école. Suite à cet incident malheureux le terrain devint presque maudit, on le dit habité par des âmes ayant été dérangées dans leur sommeil, et on le laisse à l’abandon. Ce terrain est réhabilité quelques années plus tard, vers 1900, et converti en parc. L’aménagement du parc est comme suit : L’arrière du terrain est occupé par la caserne des pompiers volontaires ainsi que par la tour utilisée pour sécher les boyaux d’incendie. Au signal du tocsin, les villageois accourent pour secourir les éprouvés et éteindre le feu. C’est un travail d’entraide.
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Caserne de pompier
L’avant du terrain est rehaussé d’un pimpant kiosque en bois et d’une clôture de cèdre bordant la route qui permet aux charretiers d’attacher leurs chevaux. Le dimanche, après avoir assisté à la messe, il est de coutume que les paroissiens se regroupent qui sur le perron de l’église, qui dans le parc, pour discuter et échanger des nouvelles. Pendant ce temps, kiosque et parc bourdonnent de courses, de cris et de rires enfantins une récréation très appréciée après l’effort « de piété » dominicale. Il faut dire que les messes en ce temps duraient facilement deux heures. Le sermon du curé lui, une bonne heure. Souvent les hommes sortaient sur le perron pour fumer leur pipe alors que la mère et les enfants entendaient la messe en silence.
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Kiosque bâti vers 1900
En 1970, pour répondre à un nouveau besoin social, la fabrique cède ce terrain au cœur du village, afin de construire un centre d’accueil en 1971, pour personnes âgées et pour les personnes en perte d’autonomie. Même si les fonctions de l’établissement ont évolué au cours des ans, l’édifice est toujours dédié à cette clientèle. Pendant ce siècle (1870-1970) la paroisse s’est beaucoup développée et les défricheurs avec leurs familles nombreuses l’ont peuplée en un temps record et ont contribué à assurer la descendance française dans la région. Lors de la fusion des municipalités, « Ville de Mont-Tremblant » devient le nouveau vocable de cette agglomération élargie.
Recherche et rédaction : Colette Légaré pour la Société du Patrimoine : SOPABIC
Collaboratrices; Renée Giroux, Lise Laverdure, Ghislaine Lussier et Jocelyne Patry.
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